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« J’ai eu l’impression de tout foutre en l’air quand je lui ai dit : “Je suis bi.” »

La première fois que j’ai compris que j’étais bisexuelle, c’est en l’entendant dans la bouche d’un ami. Pendant mon adolescence, je ne savais pas vraiment ce que c’était. La seule représentation LGBT que j’avais, c’était Catherine Lara, qu’on écoutait souvent à la maison. Ma mère en parlait sans dédain, mais je ne m’y identifiais pas : c’était une artiste d’un certain âge, et puis, moi, j’aimais aussi les garçons. A 15 ans, je me suis mise en couple avec Antoine, mon amoureux du lycée.
Au bout de huit ans de relation, j’ai senti que quelque chose me traversait, sans réussir à l’identifier. J’avais une admiration pour les femmes hyperfortes, une espèce d’amour pas très hétérosexuel. Je passais aussi beaucoup de temps avec mes amis gays, parce que j’étais plus à l’aise, que leur communauté m’attirait. Un jour, j’ai décidé de parler à l’un d’eux, qui a fini par me dire : « Mais t’aimes les filles. » Le fait que quelqu’un le verbalise, c’était déjà une sorte de mise à nu. Je me suis dit : « Je peux. »
Ce soir-là, quand j’ai retrouvé Antoine, j’ai fondu en larmes. Je savais que j’avais besoin d’explorer mes désirs. Mais je pensais qu’il allait me quitter, j’avais l’impression de tout foutre en l’air quand je lui ai dit : « Je suis bi. » Il m’a répondu qu’il m’acceptait comme ça. La question, c’était de faire entrer ce paramètre dans notre relation monogame. On a décidé que notre couple serait ouvert. Sauf que pendant deux ans, je n’ai eu aucune liaison. Comme beaucoup de personnes bisexuelles, j’avais un sentiment d’imposture. J’étais terrifiée à l’idée d’approcher une femme : j’ai dévoré tous les livres et les podcasts qui existaient pour ne pas reproduire un comportement oppressant, ni être un « mauvais coup » !
Et puis, petit à petit, j’ai fini par installer des applications de rencontre, à faire des « dates ». Mais ça n’allait pas plus loin que de chouettes discussions. Je n’avais pas les codes, je n’osais pas faire le premier pas. Et dès que je disais que je vivais avec mon copain, c’était fini.
La première fois que j’ai embrassé une femme, ça a été une explosion dans ma tête. A partir de ce moment-là, j’ai commencé à chopper en soirée. Ce n’était que des « bi », j’évitais les lesbiennes. A La Mutinerie, le bar emblématique de la communauté, à Paris, certaines filles m’ont tourné le dos quand je leur disais que j’étais bisexuelle. Dans la communauté, on nous qualifie d’« hétéro curieux », on renie notre légitimité. C’est dur de se trouver dans ce contexte, j’avais besoin de personnes qui me comprenaient. En 2023, j’ai assisté pour la première fois à un cercle de parole pour les bisexuels et pansexuels. On était une vingtaine, des personnes très différentes mais on a rigolé, pleuré et je me suis sentie moins seule.
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